« Difficile de dire objectivement et de façon globale que les écosystèmes marins de France métropolitaine vont bien ou mal. Mais les indicateurs intermédiaires, ponctuels dans le temps et l’espace, en attendant la prochaine évaluation nationale de 2024, sont rouges. Régression surfaciques d’habitats, chute de biodiversité, recul des fonctionnalités, et de manière plus flagrante, fermetures de zones conchylicoles, évolution des prises halieutiques, marées vertes, mortalité massive de gorgones ou invasion d’algues toxiques... autant d’évènements qui nous rappellent que nous poursuivons une tendance dangereuse, aussi bien pour la conservation d’écosystèmes dont nous avons la responsabilité, que pour le maintien de services écosystémiques dont nos équilibres socio-économique dépendent.
Face à cette trajectoire, nous observons trois réactions sociétales notables :
La première est que la société civile s’empare de plus en plus des sujets marins. Cela a pour conséquence d’introduire un arbitrage judiciaire aux décisions administratives.
La seconde réaction sociétale concerne l’engagement des services déconcentrés de l’Etat. Nous l’avons en effet constaté lors des formations délivrées par l’équipe du LIFE MARHA aux agents des services déconcentrés : ce sont en effet près de 200 fonctionnaires des services DDTM, DIRM, PREMAR qui se sont engagés dans des formations avec pour motivation de mieux intégrer les enjeux environnementaux dans les instructions des demandes d’usage du milieu marin.
Les conséquences ont été rapides car nous avons noté dans les mois qui ont suivi un travail plus approfondi sur les instructions, associant davantage les services de l’OFB et les gestionnaires, mais aussi une forte augmentation des demandes d’appui de la part des opérateurs souhaitant des conseils en amont de leurs projets, conscients que l’exigence environnementale avait progressé. Nos travaux engagés avec le Cluster maritime montrent que la plupart des acteurs de l’économie maritime ne perçoivent pas cela comme une contrainte administrative plus forte, mais un alignement de l’instruction avec l’évolution de la société, les engagements internationaux et souvent même la philosophie propre de l’entreprise.
Enfin, la troisième réaction sociétale observée porte sur l’engagement des élus, de plus en plus motivés à porter leur regard au-delà du trait de côte ou de la ligne des 300 m, conscients d’une part que leur responsabilité et leurs compétences peuvent s’étendre jusqu’à 12 nautiques au travers des organes de gouvernance des aires marines protégées ou des volets maritimes des documents d’urbanisme, et d’autre part, au regard des nombreux services écosystémiques que la mer alimente au profit de leur socio-écosystème local. Il faudra toutefois veiller à un accompagnement de ces élus pour les former et les sensibiliser afin que cette nouvelle gouvernance se place au-dessus des intérêts de court terme.
Les 19 et 20 octobre 2023, lors de la conférence de fin de phase 3 du projet LIFE IP MARHA, nous avons été nombreux à partager ces constats, et engager des échanges visant à comprendre, analyser, et proposer des solutions de manière collégiale, tous conscients que seules les actions et décisions comprises, partagées, et appropriées ont des chances d’être efficaces sur le long terme. Vous trouverez dans cette nouvelle lettre d’information sur le projet un compte rendu complet de nos échanges. »
Alain PIBOT,
Coordinateur national du Projet LIFE IP MARHA
|